Jean-Claude DELCROIX, habitant de Saint Didier des Bois, a mené des recherches approfondies sur la commune. Celles-ci l'ont amené à fréquenter assidûment le service des archives départementales, à consulter à de nombreuses reprises les archives paroissiales, à pousser la curiosité dans les registres de délibérations et archives de la mairie ainsi que dans la rédaction des journaux locaux. Recueillir les témoignages d'anciens du village, notamment pour des faits remontant à la seconde guerre mondiale a également fait partie de son travail d'investigation.
Il a rassemblé cette moisson de documents dans un ouvrage qu'il a écrit et publié en 1997. La création d'une Association pour l'histoire de Saint Didier des Bois (Association loi 1901) dont il est le président lui a permis d'éditer "Histoire de Saint Didier des Bois", ouvrage de 187 pages, largement documenté, illustré d'images et croquis d'époque, de photos ainsi que de cartes postales anciennes.
Il succède ainsi à Auguste Le Prévot, député de l'Eure et historien local qui avait rédigé une première étude historique de Saint Didier des Bois, et dont les écrits furent publiés après sa mort (1859), ainsi qu'à messieurs Charpillon et Caresme qui publièrent en 1868 le "dictionnaire historique de toutes les communes du département de l'Eure".
Quelques exemplaires de l'ouvrage de Jean-Claude Delcroix sont encore disponibles et en vente à la bibliothèque municipale de Saint Didier des Bois.
Le monument aux morts
"Aux enfants de Saint Didier des Bois morts pour la France", telle est l'inscription gravée dans la pierre de ce monument érigé en 1919 à la mémoire des soldats morts au combat durant la première guerre mondiale.
Figurent sur ce monument
DELAMARE Victor | 1870 | COUDRAS Louis | 1914 | GOUAS Alexandre | 1944 |
ROUSSEL Ernest | 1871 | BIDOIS Joseph | 1914 | DIENIS Roland | 1945 |
TISSERAND Georges | 1914 | BEZIN Roland | |||
BRIFFAUT Emile | 1914 | ||||
SOYET Pierre | 1915 | ||||
ZABIN Marie | 1915 | ||||
LUCE Joseph | 1916 | ||||
LETEILLIER Marcel | 1917 | ||||
BERTHELIN Georges | 1917 | ||||
REMOND Léonce | 1918 | ||||
LEVIEUX Marcel | 1918 | ||||
DARCY Auguste | 1918 |
La stèle des aviateurs américains
Cette stèle posée non loin du monument aux morts, à quelques mètres du porche de l'église rappelle un événement tragique survenu durant la seconde guerre mondiale dans notre commune et dans ce périmètre précisément.
Cela se passait le 10 juillet 1943.
Tout commence comme un jour de fête puisque c'est le jour de la distribution des prix pour les élèves de la classe unique de Mme Gabrielle Caron, institutrice à Saint Didier des Bois. Tout à coup, dans un infernal vrombissement, une vague de 27 bombardiers de type B17 F (forteresses volantes) du 95th Bomb Group approche et survole notre village. Cette flotte avait initialement pour mission le bombardement d'entrepôts du Bourget et de son aéroport, en région parisienne. N'ayant pu opérer à cause des nuages trop bas qui auraient rendu l'opération hasardeuse, elle avait fait demi-tour et rejoignait sa base en Angleterre, suivant la ligne des aéroports secondaires d'Evreux et Rouen.
A l'approche de Saint Didier des Bois les avions essuient des tirs de DCA dont une batterie est basée à Montaure.
La formation vole à 7 600 m d'altitude avec , à sa tête, le "Slightly Dangerous", nom du B17 immatriculé 230705, lorsqu'elle est attaquée par les chasseurs de la Luftwaffe.
Volant à cette époque sans escorte, les formations de B17 qui possèdent un puissant armement de défense s'attendent constamment à ce genre d'attaques surprises.
Le copilote Mac Cowen, dans l'avion de tête, voit arriver sept à huit chasseurs Messerschmitt de type ME109 (aussi appelés Bf 109) qui ouvrent le feu sur son appareil.
Celui-ci est touché sur deux de ses moteurs qui prennent feu. Il se trouve immédiatement en difficulté, perd rapidement de l'altitude et de la vitesse. Le crash est inévitable car l'avion est en train de se désintégrer sous les vibrations puis sous les explosions. Des habitants de La Haye-Malherbe voit des parachutes s'ouvrir, d'autres se mettre en torche. Une pluie de matières incandescentes s'abat sur notre village tandis qu'un énorme morceau de fuselage tombe non loin du monument aux morts. Dans la chute de l'avion, une mitrailleuse de fort calibre se détache de la carlingue et traverse en tombant la toiture d'une maison de la rue de la Baronnerie.
Des corps atrocement mutilés sont retrouvés ça et là. A l'intérieur de la queue de l'avion, un jeune mitrailleur de dix-huit ans a perdu la vie comme 5 autres des 10 hommes qui composaient l'équipage de ce bombardier. L'un est tombé de l'appareil et s'est écrasé dans le jardin de M. Meslin ; le pilote, quant à lui, est trouvé carbonisé aux commandes du B17 dont une grosse partie est tombée dans le vallon situé derrière la rue de la Baronnerie.
Par miracle, les bombes contenues à l'intérieur de l'appareil n'ont pas explosé. Cet avion qui, comme les autres bombardiers de la mission, se dirigeait vers un objectif en contenait en effet plusieurs tonnes. Une explosion de la cargaison lors du crash aurait provoqué un véritable carnage.
morceau de la queue du B17 tombé près de l'église
transport du corps de l'aviateur tombé dans le jardin de M. Meslin
Tout Saint Didier a assisté au drame, cependant, rares sont ceux qui ont vu des parachutes s'ouvrir lors de la chute de l'appareil. Ces rescapés du drame sont MM. Hardink et Ruska ainsi que deux autres membres de l'équipage. Le premier sera pris en charge par Adonat Mercier et Fernand Prévost, garagiste à St Didier. Le second, retrouvé au pied d'un pommier en flammes dans le bas du chemin d'Argeronne, le sera par Germaine Diénis et sa soeur Andrée aidées par Albert Bécherel. Germaine fera disparaître le parachute en le jetant dans les flammes ce qui incitera les allemands qui ne retrouveront que des débris à penser que son utilisateur est mort brûlé. Les deux autres survivants seront rapidement retrouvés par les soldats allemands, faute d'avoir pu être cachés par la population. Hardink pourra rejoindre l'Espagne par un réseau de résistance. Paul Ruska qui était radio dans le bombardier séjournera dans la maison Diénis mais, dénoncé au bout de 6 mois, il devra fuir. Il reviendra rapidement à Saint Didier des Bois où il sera caché par Mme Mouchard. Un jeune résistant se chargera alors de le rapatrier vers l'Angleterre. La tentative échouera et Paul Ruska sera arrêté. Accusé d'espionnage, il sera sauvé une seconde fois par Germaine Diénis qui aura la perspicacité d'aller déterrer les vêtements d'aviateur qu'elle avait cachés, prouvant ainsi l'identité de l'homme arrêté. Cela permettra de donner à Paul Ruska le statut de prisonnier de guerre et lui évitera la déportation et une mort probable.
Paul Ruska
L'équipage du B17
au 2ème rang de gauche à droite : Sgt Paul Ruska, opérateur radio, rescapé - Sgt Leonard Budnick, mitrailleur de tourelle, tué - Sgt Jenning Liller, mitrailleur, rescapé - Sgt Edwin Harmon, mitrailleur de queue, tué - Sgt John Luttrell, mitrailleur, tué - Sgt Donald Harding, mitrailleur de tourelle, rescapé au 1er rang de gauche à droite : Lt Donald Mc Mullen, navigateur, tué - Lt James Sarchet, pilote, tué - Lt Robert Mc Cowen, co-pilote, rescapé, Lt Arthur Pice, bombardier, tué Cliquez sur la photo pour l'agrandir |
Paul Ruska est venu à Saint Didier des Bois en mai 1973. Une cérémonie avait été organisée à la mairie par M. André Dupuy, alors maire de la commune. Nombre de gens s'en souviennent : ceux qui avaient été témoins du drame bien sûr, mais aussi les autres car des choses fortes étaient passées ce jour-là, mélange d'émotion partagée, de joie, de respect. Comme l'avait écrit dans son article un journaliste rendant compte à la presse : " Les belles scènes humaines sont comme les oeuvres d'art, elles ne se commentent pas, elles se contemplent en silence, presque religieusement. On ne riait pas jeudi soir à Saint Didier, on souriait émus...". Ce jour-là, Mme Micheline Laurent avait offert à ce vétéran un couvercle de casserole que son père avait fabriqué en 1943 avec un morceau de carlingue de l'avion abattu. Mme Paulette Branchu, elle, lui avait offert des balles provenant des mitrailleuses du B17
Une plaque commémorative était déjà fixée au coin de la rue du 11 novembre sur le mur d'une propriété, à l'endroit même où était tombé le plus gros morceau du fuselage arrière.
Pour la troisème fois, Paul Ruska est revenu à Saint Didier des Bois le 9 mai 1998 pour l'inauguration de la stèle posée à l'initiative de Mme Andrée Dujancourt et sur laquelle sont gravés les noms suivants :
Lieutenant J. SARCHET
Lieutenant A. PRICE
Lieutenant D. Mc MULLEN
Sergent E. HARMAN
Sergent J. LUTTRELL
Sergent E. BUDNIK
Comme le monument aux morts, la stèle est fleurie lors de chaque commémoration du 8 mai et du 11 novembre
Sur les six victimes de ce drame, deux ont rejoint leur mère patrie des Etats-Unis afin d'y être inhumés. Leurs quatre autres frères d'arme reposent en terre française parmi les 9 387 militaires du cimetière américain de Colleville-sur-Mer.
Paul Ruska est venu pour la dernière fois à Saint Didier des Bois le 4 juillet 2002. Une cérémonie du souvenir a réuni autour de la stèle notre hôte américain et son épouse Juliann, Mme Andrée Dujancourt (une des soeurs Diénis), M. François Loncle notre député, M. Christian Lemaire conseiller général, M. Emile Lenoble Président départemental de l'Union des anciens combattants, M. Joël Baude maire de St Didier des Bois et le conseil municipal, ainsi que de nombreux habitants de la commune.
Ce vétéran a aujourd'hui un peu plus de 88 ans et vit à Abilene, Texas.
Article rédigé par Joël Baude, maire de Saint Didier des Bois, sur la base d'articles de journaux et sur la foi des souvenirs fiables et encore très présents d'une habitante de St Didier des Bois qui a directement vécu ce tragique évènement.